Pour qu’une base de connaissances vive, outre les connaissances, doivent lui être associés le dialogue humain et le sens que cette base a pour les acteurs.
Certes, la connaissance, comme nous l’avons vu, est un bien qui enrichit celui qui la transmet, a contrario, c’est un bien qu’il est facile de dissimuler. Pour transmettre sa connaissance, comme d’ailleurs, de l’autre côté, pour s’approprier la connaissance venant d’un autre, cette action doit faire sens.
Ainsi, par exemple, dans une administration en charge d’aider les personnes en transition, la nomination de dirigeants ayant des objectifs politiques non énoncés entraîne des conflits de sens rédhibitoires pour la transmission des connaissances.
Les acteurs métier, au contact du terrain, des personnes à aider, s’investissent dans leur métier, mais sont en butte en permanence aux objectifs incompréhensibles issus de leurs dirigeants.
Les dirigeants n’ont que peu de respect pour ces collaborateurs incapables d’avoir la productivité attendue ou incapables de se plier rapidement aux changements qu’ils imposent.
Dans ces conditions, chacun considère son savoir-faire comme la seule bouée de sauvetage lui laissant une petite part de légitimité et une chance de pouvoir continuer à faire son métier. La transmission est impossible.
> Exemple n°1
Mais parfois, des situations a priori peu compatibles avec une transmission vivante des connaissances, peut évoluer par sa propre dynamique. Il en a été ainsi chez un industriel où la logistique avait beaucoup d’importance. L’organisation y était très hiérarchique, donc peu compatible avec la transmission des connaissances, où le patron de la logistique centrale décidait des orientations logistiques et les faisait décliner dans les différents sites. Le but initial de la mission était de constituer une base de connaissance de la connaissance de référence en logistique que les sites devaient appliquer. La structuration et la formalisation de ces connaissances a mis en évidence que la prise en compte des particularités de chaque site était déterminante dans la performance de la mise en œuvre locale de la logistique. La prise en compte de ces particularités s’est matérialisée par la mise en place de rencontres de travail régulières entre la direction centrale et les représentants locaux. La base de connaissance s’est élargie aux spécificités locales. Cela a donné du sens à tous, à l’équipe centrale qui a vu son travail pris en compte, aux acteurs locaux qui ont vu leurs remarques écoutées et prises en compte. Ce fonctionnement a déteint sur le mode de management qui est devenu plus coopératif. Le patron central a fait évoluer sa fonction vers celle de coordonnateur et de mise en cohérence des émergences locales avec la vision centrale. Cette évolution a duré 2 ans et demi. 3 ans plus tard, alors que deux autres patrons s’étaient succédés, cette dynamique et ce fonctionnement étaient toujours présents, portés par les acteurs.
Cet exemple illustre l’importance de l’association des connaissances, du dialogue et du sens. Cette dynamique peut même faire évoluer l’organisation.
> Exemple n°2
Un autre exemple illustre l’importance de proposer un sens pratique aux acteurs, c’est-à-dire quelque chose qui les aide dans leur vie de tous les jours.
Il s’agit d’un industriel qui fournit des gros équipements avec des engagements de performances, de coûts et de délais de maintenance. Ces équipements sont réalisés avec l’aide de sous-traitants qui doivent tenir les mêmes engagements. Ces exigences sont régies par des contrats et un accompagnement des sous-traitants. Le spécialiste depuis quinze ans de ces contrats partait à la retraite et son chef historique changeait de fonction sans que son successeur ne soit encore identifié. Le travail a consisté à capitaliser le savoir-faire de la personne, mais aussi à créer des contrats génériques avec leurs clauses justifiées, à créer des tableaux de synthèse de leur déclinaison pour les différents sous-traitants avec justifications des spécificités, à créer des outils Powerpoint et Excel génériques de présentation aux sous-traitants et d’accompagnement avec leurs justifications. Autrement dit, la capitalisation n’a pas consisté à seulement créer des guides mais aussi des outils de travail directement utilisables. Ces outils correspondent au « sens pratique » à donner pour les destinataires. Cette capitalisation s’est complétée par la mise en place de réunions d’échange entre le spécialiste et les jeunes recrues prenant sa succession basée sur la réutilisation de ces outils. Ces échanges et cette formalisation sous forme d’outils génériques justifiés a été pérennisée. Lorsque le nouveau manager est arrivé, il a trouvé une équipe motivée, compétente, outillée. Il a pu s’approprier la complexité du domaine qu’il avait à encadre en un mois, là où il lui en aurait fallu beaucoup plus pour découvrir progressivement les arcanes de la relation avec les sous-traitants. Cette exemple illustre une autre matérialisation de ce triptyque : connaissance, sens – ici outil pratiques de travail - et interaction humaine pour faire fonctionner cette transmission des connaissances.
> Exemple n°3
Un autre exemple illustre ce triptyque. Il s’agit cette fois d’une équipe en charge des essais d’équipements. Cette équipe est constituée de 3 anciens proches de la retraite connaissant très bien ce travail et d’une vingtaine de jeunes embauchés. Pour des raisons historiques, il n’y a personne au milieu. Or, la façon traditionnelle de former ces personnes en charge des essais, consiste à faire du compagnonnage pendant dix ans, durée nécessaire à la rencontre des différents cas de figures ou d’incident susceptibles de se produire lors de ces essais. Ce mode de transmission était inenvisageable, beaucoup trop long - les jeunes devaient devenir opérationnels en un an - et inadapté au nombre, un ancien ne peut pas assurer le compagnonnage pour dix jeunes simultanément. La solution a consisté à cartographier les connaissances à transmettre, à décider pour chacune du mode privilégié de transmission : par formation, par lecture, par simulation (un simulateur d’essai a été développé), par compagnonnage guidé (où les connaissances à transmettre lors du compagnonnage sont clairement identifiées).
Ces exemples illustrent les façons différentes de décliner ce triptyque : connaissance, sens, dialogue pour faire vivre la transmission des connaissances. Ces déclinaisons sont adaptées en fonction de l’enjeu, dans nos exemples, créer une logistique performante intégrant les différentes parties prenantes, pérenniser la compétence d’une équipe au-delà du départ de ses deux principaux acteurs, assurer la montée en compétence rapide d’une nombreuse équipe de jeunes recrues.
A l’inverse, les solutions de management, qui consistent à organiser la société en mode projet, en donnant aux chefs de projet le pouvoir hiérarchique, et des objectifs exclusivement de performances amène un succès temporaire seulement. Cette organisation fonctionne au début car les acteurs se rappellent des échanges de connaissances avec leurs collègues issus de l’ancienne organisation.
Au bout de 2 à 3 ans cette mémoire transversale a disparu, ne restent plus que les objectifs intenables et la souffrance à ne pas pouvoir les atteindre.
Dans d’autres cas, la recherche de l’optimisation locale a pu amener à séparer la construction d’infrastructures de l’exploitant qui en aura la charge et donc la prise en compte de la connaissance d’exploitation dans le projet. Ce mode d’organisation peut amener le chef de projet à faire des choix qui réduisent le coût du projet de 1 mais engendrent à terme des surcoûts d’exploitation de 10 sans que cette dérive ne soit détectée dans la mesure où les différents acteurs ne seront plus depuis longtemps en poste lorsque ces surcoûts arriveront.
> Partie 4 : Les outils de transmission de connaissances
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